On me demande souvent si j’ai peur lors de mes voyages en solo ou en bivouac, comme cet été dans les dunes du Nord et la rencontre avec des migrants.
Bien sûr, la peur est souvent présente lorsque je sors de ce que je connais, et notamment face à l’inconnu. La peur de faire une mauvaise rencontre, de me faire voler, de me blesser.
Et pourtant, c’est en ressentant cette peur que je me sens pleinement vivant, et il n’y a pas de liberté sans peur. Je ne suis pas un casse-cou, mais je recherche certainement des situations pour vivre ce frisson qui me reconnecte à mon corps. C’est sans doute une façon de mieux le ressentir.
Etant ado, j’étais renfermé et manquais de confiance en moi. Un jour, j’ai décidé de partir seul en montagne sur un glacier. Je me rappelle parfaitement cette crevasse qui s’est dressée devant moi. Un choix s’est posé alors : soit faire demi- tour, soit sauter avec le risque d’une glissade de l’autre côté. La peur était présente, mais pas aussi fort que le désir d’avancer. C’est un saut qui représente beaucoup pour moi, et j’ai pu arrêter ma glissade grâce aux techniques que je connaissais.
La découverte de la montagne puis du voyage m’ont permis de me libérer de cette prison mentale dans laquelle je m’étais enfermée peu à peu. Avoir peur sans céder à la panique, c’est aussi ressentir une énergie qui pousse à agir. On a forcément peur au moment de sauter dans l’inconnu.
Mais il ne faut pas confondre avec la peur d’avoir peur. Car celle-ci est une peur qui inhibe, qui se construit à partir d’une histoire que je me fais dans ma tête, et que mon cerveau prend pour du réel. Si je la suis, elle m’empêche d’explorer d’autres possible en m’incitant à rester dans le confort illusoire de la maitrise.
Avoir peur en voyant débouler une dizaine de migrants autour de mon matelas en pleine nuit, ce n’est pas la même chose que d’avoir peur de se faire détrousser. Avoir peur de la crevasse, ce n’est pas la même chose que la peur de tomber et de mourrir. La première est ancrée sur une réalité que je ne peux changer, la seconde est une histoire que je me raconte. Elle me projette dans un futur qui n’existe pas encore et que je peux changer.
J’aime partir à l’aventure pour me sentir libre mais aussi traverser mes peurs, pour mieux les accepter et surtout ne pas chercher à les refouler. Quand le rêve ou le sens sont plus forts que la peur, je peux continuer à avancer en revenant au réel.
Lorsque je marche avec un groupe, comme récemment sur le chemin de la liberté dans le Luberon, les peurs qui s’expriment sont rarement connectées au réel. Elles racontent surtout les histoires de chacun.e, la peur de décevoir, d’échouer, d’être rejeté, de se sentir coupable.
En marchant, en se connectant au corps et à l’espace devant mes pieds, je me reconnecte au réel. C’est la 1re étape indispensable pour mettre de la conscience et de la clarté, et choisir ensuite de se libérer de cette peur de la peur.
Je n’ai pas décidé de me libérer de mes peurs mais au contraire d’aller à se rencontre pour mieux vivre avec. C’est en la rencontrant que je me sens vivant et prêt à explorer d’autres voies. Par contre, je fais le choix de me libérer de la peur d’avoir peur.
Et toi, que ressens tu face à l’inconnu et quelle sorte de peur rencontres tu : celle qui est réelle et ancrée dans l’instant ou l’histoire que tu te racontes ? Que fais tu pour aller à sa rencontre ?
La marche transformatrice est une approche différente pour se libérer de cette peur d’avoir peur. C’est un voyage intérieur qui mobilise tous nos sens, nous permet de s’alléger de ce qui nous encombre et pour revenir à l’essentiel. C’est pouvoir accepter ses propres failles, s’accepter pleinement pour être libre de faire sa trace.