L'appel de l'inconnu
- Philippe BARAN
- 16 mai
- 3 min de lecture
L’inconnu représente pour moi l’ADN du voyage et de la marche. Et pourtant, il fait souvent peur.
La peur de l’inconnu
Les déclencheurs sont multiples : la peur avant de passer un passage difficile, de se perdre, de conduire un groupe dans le mauvais temps, de se blesser, de ne pas tenir la distance, de rater le bus de retour…
L’inconnu fait peur et c’est normal, puisque le but de notre cerveau, à travers des millions d’années d’évolution, est de nous maintenir en sécurité pour nous adapter. L’inconnu est lié à l’incertitude, au non maitrisé. Il stimule nos réflexes de défense et de survie, peut donner plus d’énergie pour aller plus vite, ou au contraire nous couper les jambes, ou encore faire demi-tour pour fuir le danger.
L’impact des émotions
En voyage comme dans la vie, l’inconnu va augmenter l’impact émotionnel et booster tous nos sens. C’est une réaction physiologique qui peut être très aidante, mais qui risque aussi de déformer la réalité. C’est la même chose pour les équipes face à l’incertitude. Soit on subit et on s’enferme dans ces mécanismes de survie et ses conditionnements, soit on en fait une opportunité pour développer d’autres ressources dans une situation de crise.

Dans ces cas-là, le réflexe serait de laisser les commandes à notre cerveau automatique, alors qu’il faudrait stimuler notre cerveau adaptatif selon les études du professeur Jacques Fradin sur l’intelligence du stress.
Quand notre cerveau se prend pour Spielberg
Mais cela demande un choix, celui d’oser avancer et de revenir au réel. Car notre cerveau est un vrai réalisateur de film qui nous fait croire que nos pensées sont réelles, alors que 90 % de nos peurs sont d’abord des projections.
C’est pourquoi les réponses ne sont souvent pas adaptées, et vont même renforcer le sentiment d’insécurité. Un peu comme ces spectateurs qui se sont enfuis effrayés en voyant l’un des premiers films des frères Lumière, l’arrivée du train en gare de La Ciotat.
Se confronter à l’inconnu
J’aime le bivouac car il me pousse à me confronter à l’inconnu et m’entraîne à revenir au réel. Un simple bruit dans la nuit, une lumière et la machine à fantasme se met en route. Ça nécessite un effort pour identifier s’il y a danger ou non et revenir au calme.
Se confronter à l’incertitude grâce à la marche itinérante est un excellent moyen de muscler son cerveau adaptatif et de développer son agilité. A condition de sortir des parcours maitrisés, de lâcher prise, de se faire confiance et d’accepter tout ce qui va se présenter, y compris l’inconfortable.
Me retrouver entourés de migrants en pleine nuit lors d’un bivouac a été pour moi une forte expérience de peur, mais surtout un apprentissage qui reste gravé en moi.
C’est le sens de mon projet de bientôt partir marcher seul pendant un mois et de m’offrir une pause attendue. J’avais d’abord préféré l’aventure à l’étranger, mais d’autres préoccupations m’amènent à rester en France.
L’incertitude de la rencontre
Alors de vais explorer un autre inconnu, finalement sans doute plus difficile pour moi, celui de la rencontre. Me laisser toucher par ces rencontres inattendues, avec ma tente et sans vraiment de destination finale autre que la date de retour. En arrière-plan, il y a aura bien le chemin du Piémont pyrénéen pour rejoindre peut être la côté atlantique.
Pour éviter de me sentir trop enfermé dans un chemin tracé et de m’engluer confortablement dans le connu, je me donne cette intention de changer de chemin à tout moment pour suivre mes envies, comme une déambulation, de ne pas savoir où je vais m’arrêter, de me laisser surprendre par ce qui va arriver. Et de rencontrer un maximum de marcheurs en quête de sens, de partager avec eux des questions essentielles et de partager nos réponses.