Cette fois, je ne pourrai pas compter sur ma bonne étoile. Au départ du gite des 4 chemins pour traverser le plateau de l’Aubrac, nous ne pourrons échapper à la pluie glaçante.
Si je marche comme je vis, la métaphore du mauvais temps est révélatrice de mon comportement face aux difficultés. Comment réagis-tu quand il faut sortir sous la pluie et le froid, quand ça chancelle dans ta vie ? On peut passer des heures à consulter et à râler sur les prévisions météo (j’ai souvent été là-dedans), choisir le confort et ne rien tenter en restant au chaud, ou au contraire foncer tête baissée dans la tempête, se surprotéger ou partir léger et inconscient.
Je suis sûr que notre réaction face au mauvais temps traduit beaucoup de nos comportements face à la difficulté et à l’incertitude de la vie.
Ce matin-là, j’étais moi-même un peu angoissé et frustré, ne sachant quelle serait la réaction des participants qui auraient sans doute préféré une douceur printanière.
Alors nous avons affronté l’incertitude climatique, la pluie et le froid, bien à l’abri sous des ponchos qui ne nous ont guère quitté pendant 3 jours, appréciant encore plus les quelques rayons de soleil fugaces, les éclaircies impromptues, les formes mystérieuses d’un paysage modelé par la brume.
Le 1er jour, nous serons vite doublés par un jeune couple en short, cheminant d’un pas rapide. « Même pas peur » semblaient dire leurs pas énergiques. Nous les retrouverons le soir à Nasbinals, complètement épuisés, après avoir cramé toute leur réserve et sans doute victime d’hypothermie.
Faut-il éviter les orages ou apprendre à danser sous la pluie ?
Cette expérience de la marche dans le mauvais temps est une source d’inspiration pour faire face aux tempêtes que la vie nous envoie régulièrement.
La première idée, c’est celle du choix. Tu peux décider de rester dans le confort pour vivre ce que tu connais déjà, ou affronter la difficulté et l’incertitude en toute conscience.
Pour les pèlerins qui étaient avec nous, la question ne se posaient même pas. C’était le sens même de leur démarche, se mettre en mouvement sur le chemin de la vie. Encore plus dans la tempête, c’est le sens qui est au cœur de ton énergie et de tes comportements.
Une fois ce choix assumé, la première règle est de se protéger et de veiller à sa sécurité, ici représentée par le plus gros danger, le froid. Quand ça va mal autour de toi, comment assurer ta sécurité, de quoi dois tu te protéger en priorité ?
Il y a ensuite l’acceptation de ce que tu ne peux changer, à l’inverse de la frustration de ne pas avoir ce que tu imaginais. On peut râler contre la pluie, ou essayer de voir autre chose à travers les gouttes. Accepter de ressentir le froid et observer son corps est bien plus efficace pour s’en détacher que de se poser en victime.
Je prends conscience que la frustration vient d’abord de nos attentes. Plus tu attends quelque chose de précis, plus tu risques de nourrir de la frustration. C’est toute la différence avec l’intention qui traduit une direction plus qu’une destination précise.
J’adore cette phrase d’un moine bouddhiste rencontré au Ladakh et qui m’a toujours marquée : « celui qui n’attend rien aura tout ».
Face au mauvais temps, j’adapte mon rythme, mon itinéraire, je cherche des abris pour recharger les batteries. La mésaventure de ce jeune couple me fait penser à celles et ceux qui se sur-engage face aux difficultés jusqu’à sombrer dans le burn-out. Es-tu capable de lever le pied, de ralentir, d’accepter de ne pas savoir, de dévoiler ta vulnérabilité ?
La dernière idée n’est pas la moins importante : c’est de garder ses capacités d’émerveillement en changeant son regard sur le paysage. Plutôt que de regretter le soleil, comment s’émerveiller d’un paysage sous la brume, d’ambiance et de formes mystérieuses ? Quand ça tangue autour de toi, comment fais-tu pour garder tes capacités à t’émerveiller et à rêver, même si la souffrance est là ?