Je viens de terminer un voyage de 1000 km de marche avec Lucrétia, de Paris à Marseille en passant par Briançon. 4 mois d’itinérance en pleine hiver pour aller à la rencontre de soi et être libre. La grande différence, c’est qu’elle l’a fait avec ses jambes, et moi à distance, par téléphone. Lors de notre première rencontre, j’ai proposé à jeune femme de 27 ans de l’accompagner tout au long de son aventure. C’était une démarche inhabituelle, moi qui revendique un coaching différent en utilisant le corps et l’immersion en pleine nature.
Lucrétia est parti un jour de novembre depuis la forêt de Fontainebleau, seule avec son sac, rempli de ses rêves, mais surtout de ses peurs, qui étaient sans doute bien plus lourdes. Il y a quelques jours, le cœur débordant d’émotion, elle a rejoint les calanques de Marseille, sans se douter à ce moment là du choc du retour, en retrouvant le bruit, l’agitation, les contraintes, le monde d’avant.
C’est la première fois que je marche ainsi 1000 km derrière mon téléphone. Nos échanges hebdomadaires ont ponctué cette aventure à travers la France profonde, bien loin des itinéraires normalisés. Je ne pensais pas la vivre aussi intensément au grès des nos échanges. J’avais l’impression de vibrer avec elle, de partager son besoin de liberté, ses doutes, ses questionnements sur le sens, ses peurs quand elle traversait les sombres forêts du Morvan sous la pluie, ma propre angoisse quand elle ne donnait plus de nouvelle. Le plus émouvant est sans conteste de l’avoir vu changé, osé ce qu’elle ne s’autorisait pas, acceptait de sortir de la norme établie. J’ai été aussi le témoin de ses retours en arrière, de ses frustrations qui faisaient écho à mes propres peurs et croyances. Je ne pensais pas pouvoir autant apprendre sur moi à travers nos rdv qui prenaient souvent une coloration spirituelle.
Marcher pour savoir qui je suis sans les autres, c’était son intention avant de partir. Et pour cela, il lui fallait partir seule pour affronter l’inconnu, acceptait de ne pas savoir. Le contrôle n’a pas sa place dans ce type d’aventure.
Et puis il y a eu ce point de bascule il y a 1 mois en partant de Briançon pour rejoindre la vallée de la Durance dans la neige. La vie l’a confronté à un nouveau challenge : soit s’épuiser avec des étapes de 30 km entre les gites et un sac de 15 km, soit faire autrement et sortir une nouvelle fois de sa zone de maîtrise. En l’occurrence, demander l’hospitalité tous les soirs en allant frapper aux portes et s’arrêter quand elle en avait envie. Cela demande du courage, mais cette décision a tout changé. Elle a vécu des rencontres incroyables, retrouver sa pleine liberté et surtout un sentiment de confiance inestimable. Elle s’est mise dans cette posture de la pélerine qui à la fois ose agir et accepte de recevoir et embrasse sa vulnérabilité.
Il est trop tôt pour savoir ce qu’elle fera de cette aventure. Ce qui est certain, c’est que son corps a expérimenté la confiance en version XXL, en soi, dans la vie et dans les autres. Avec cette confiance, tout est possible pour l’avenir, elle sait qu’il y a de multiples réalités autour d’elle. Et le seul moyen de les connaitre, c’est de faire ce premier geste d’aller frapper aux portes, et de s’émerveiller de l’inattendu quand la porte s’ouvre.
Les 8 pas de la métamorphose
L’aventure de Lucrétia met en valeur ces 8 pas de la métamorphose pour être ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Tout voyage est le miroir de ce que l’on vit quand on veut se transformer en profondeur.
Il y a ce qui se passe avant le départ réel, pour éviter de se perdre :
- L’appel du rêve pour se nourrir du sens, se demander pourquoi je pars
- La décision est un moment clé, pour vivre ses rêves au lieu de rêver sa vie
- La préparation est porteuse de nos croyances à libérer, de nos peurs, de notre questionnement sur l’essentiel
Et puis il y a le voyage, avec plusieurs phases qu’a expérimenté Lucrétia
- Les premiers pas : à la fois ce mélange d’excitation mais aussi de douleurs, de doutes. Il faut apprendre à ralentir, à écouter son corps, à ajuster son rêve aux principes de réalité.
- C’est alors le temps de l’exploration, la découverte de l’aventure et de réalités insoupçonnées, la rencontre avec l’incertitude, mais aussi les temps d’arrêt, la relation si particulière avec ses peurs.
- Et puis vint le point de bascule où un cap est franchi, sans retour en arrière. Ce peut être une rencontre, une prise de conscience, un événement, et souvent les 3 à la fois.
- Le chemin du retour marque ce moment où l’on a conscience que la fin approche, où on se projette sur la suite. C’est déjà le temps du bilan, des choix et de l’engagement, de l’irrémédiable.
Le voyage ne s’arrête pas là, au risque de se prendre une grosse claque :
- C’est le retour à la maison où Lucrétia devra faire le deuil de ses journées seules à marcher pour construire une nouvelle réalité. C’est le temps où l’on retrouve ses proches, ses amis, où l’on se sent tellement décalé qu’il est difficile de raconter, où l’on se sent incompris. C’est un temps d’acceptation du changement mais aussi de décision pour poursuivre autrement l’aventure de la vie. Pas en planifiant ou en voulant contrôler la suite, mais juste savoir où et oser frapper à une porte inconnue.